jeudi 1 juillet 2010

La Démocratie en 3D…


On nous dit ici ou là, à juste titre, que la République est en danger. Un parti politique appelle celle-ci à se tenir « debout », mais il est bien mou (1). Un nouveau venu l’appellera peut-être à rentrer en « résistance » (2), mais il est condamné (?) à fréquenter ses adversaires. Un autre la souhaite « Solidaire » (3), mais fait du clientélisme. Malika Sorel, membre du Haut-Commissariat à l’Intégration s’en fait l’avocate chaque fois que l’occasion lui en est donnée par l’actualité, et elle n’en manque pas. Jusqu’au candidat président lui-même qui en 2007 y avait vu un bon filon électoral… Oui et après ?

Et bien après, rien.
Pourquoi ?

Parce que si la République est en danger, c’est parce que la Démocratie elle-même est déjà bien entamée. C’est devenu réellement « cause toujours ». Le champ démocratique, après avoir stagné, régresse. Et personne là ne s’en émeut. En fait il semble que nous soyons plus anesthésiés que fatalistes. On ne s’en rend pratiquement plus compte. Il y a bien le fameux « tapez un, tapez deux, tapez trois… » télévisuel, le zapping... Mais la démocratie, la vraie, pas la formelle, pas la participative, celle au sens strict du terme, elle n’est plus à l’ordre du jour. Pourtant le peuple n’a rien perdu de sa légitimité à choisir son destin. S’il ne paye plus l’impôt du sang sur le champ de bataille, il paye dans sa vie au jour le jour l’impact de la mondialisation, de décisions prises ici, en occident, d’une guerre économique.

La démocratie a été Déstabilisée par le relativisme, Démobilisée par les pragmatiques et les experts, Désinformée par ceux là même qui nous informent. C’est ça le danger. Ces trois D là. Une entreprise de déconstruction.

Le relativisme a sapé les fondements de notre République, mais aussi de la démocratie. Il a eu le mérite de faire apparaître notre socle « universaliste » pour ce qu’il était, plus qu’une abstraction, un mirage. Certains des acteurs ont continué à parler d’universalisme, alors que par leurs actes, ils y renonçaient. D’autres ont tenté de le sublimer, de le dépasser par la figure absurde et toute aussi illusoire du « citoyen du monde ». L’universalisme a fait place à la mondialisation, la gauche internationaliste li-li-bobo n’y a vu que du feu. L’élan de l’occident s’est retrouvé efficacement lesté, handicapé, plombé. Avec le relativisme c’est la fin de la démocratie, par l’effet du « tout se vaut ». C’est par le relativisme, poussé jusqu’au différentialisme, que les minorités ont commencé à imposer leurs vues à la majorité, que le principe d’ingérence d’un occident gendarme et professeur du monde, s’est retourné contre lui. Ces vues minoritaires pouvaient être communautaristes et anti-républicaines, et être opposées à notre culture, elles valaient, paraît-il, relativement bien les nôtres. Aujourd’hui on a même dépassé le relativisme niveleur. Le balancier est parti loin vers le différentialisme. On a tout re-hiérarchisé. Fini les « ismes » rassembleurs, finit la figure du philosophe, vive l’état « liquide » insaisissable, incontrôlable. Les valeurs de l’occident chrétien sont systématiquement dénigrées et même niées, au profit des valeurs plus « métissées », plus exotiques, au profit de cette figure du « citoyen du monde », une sorte de synthèse abstraite, et impossible, vidée de toute pouvoir politique, de toute action démocratique. Un pantin qui croit être « libre ». Avec le relativisme, la majorité (forcément opprimante) est devenue, coupable d’être majoritaire, et a du s’excuser seule, dans un jeu de repentance permanente. Et les minorités (forcément opprimées) sont devenues sublimes, elles seules. Tout doit être fait pour qu’on les entende, qu’on les écoute, chacune d’elles, au moins autant, voire plus que la majorité réduite au silence. La fameuse majorité « silencieuse ».

Le pragmatisme et les experts ont démobilisés. C’est le coup du « y a pas le choix » et du « c’est trop complexe pour vous ». Comment voulez vous faire vivre la démocratie, quand vous retirez la possibilité du choix, quand vous niez au peuple sa responsabilité et son existence même ? Il ne peut y avoir de démocratie sans peuple constitué (et non un conglomérat de communautés retenu par M. Besson dans son analyse de l’identité nationale). A l’heure des experts, ne sont appelés à s’exprimer, puis à participer, que ceux qui savent, même si ils n’ont aucune légitimité politique, aucun mandat électif, donc aucun compte à rendre. Le peuple assume pourtant seul, les choix de ces experts parfois autoproclamés.
La démobilisation « atomisatrice » et « déconstituante », qui s’en suit, facilite la tâche de dirigeants en quête d’une gouvernance mondiale, qui en échange d’une « paisibilité » relative, nous imposeront un totalitarisme technocratique certain, dépourvu de toute légitimité démocratique. Ces dirigeants savent fort bien ce que pensent les électeurs, mais ils font tout pour ne pas les entendre. Leur unique but est la place au pouvoir (comme une place au chaud en hiver), pour y mener la politique du fait accompli. Que le désir de pouvoir soit à l’œuvre dans l’action politique, c’est normal, mais que ce désir devienne l’œuvre elle même et c’est la fin. Plus rien ne peut être produit. Ah oui, ils sont instruits, enfin techniquement, et tellement surs d’eux-mêmes, que si le peuple, à l’occasion d’un référendum, se reconstitue et s’exprime, il est aussitôt contredit, nié, et appelé expressément à se déjuger. Ceux qui le soutiennent et le relaient sont traités de populistes (au mieux), par les politiques-experts et les médias. Inutile de rappeler les épisodes récents.
L’Europe actuelle n’est donc pas une entité démocratique, tout le monde l’a bien compris. Elle ne cherche pas la constitution d’un peuple européen, pire elle travaille à la déconstruction des peuples nationaux préexistants. Les « transferts de compétences », rien que cette expression devrait alerter les démocrates. Transfert d’une organisation « représentative » déjà faiblement démocratique, vers une organisation supranationale échappant à tout contrôle.

Enfin, la désinformation est le bras « armé » de ce nouvel ordre mondial que l’on veut (qui on ? et à quel titre ?) nous imposer. Les médias, n’informent presque plus, ne transmettent rien. Ils communiquent. Ils travaillent l’opinion. Ils corrigent et camouflent les « sentiments », les « impressions ». A coup de « ils ont voulu dire », ils réinterprètent, si besoin est, les rares moments d’expression du peuple. La presse passe son temps à tester son pouvoir grandissant (de nuisance ?) et cherche à devenir plus acteur que média.
Les intellectuels, les politiques, les techniciens, se donnent ainsi en spectacle, jour après jour et les médias leurs tendent un miroir, souvent très déformant, au lieu de les faire passer par un objectif au sens photographique. Ils sont tous d’accord entre eux. Ce petit jeu leur va fort bien finalement. Les idées même de l’intérêt général et de la démocratie leurs sont étrangères. Sinon ils n’agiraient pas ainsi. Je dirais même que, pour eux, « l’intérêt général » est étranger, en ce sens qu’il ne peut pas être un intérêt national, qui s’opposerait ainsi à la mondialisation dont ils tirent leur espérance de pouvoir sans frontière. C’est pour cela qu’ils ont abandonné le principe démocratique, car celui-ci est lié, complètement, à l’existence de la nation et à la citoyenneté et à l’existence d’un peuple constitué (et non d’une simple population).

Il faut garder espoir de voir le peuple Français se reconstituer. A quelle occasion ? Je l’ignore. Espérons simplement que cela dépassera le cadre éphémère et virtuel d’une compétition sportive, instrumentalisée comme un pur objet de propagande communautariste. Le communautarisme est le piège dans lequel les fossoyeurs de la démocratie veulent nous amener. La mondialisation dilue la démocratie, le communautarisme sera son poison.

Il faut, sans doute se rappeler l’adage Mitterrandien, « la politique c’est du judo ». Analyser l’action de l’adversaire, le système actuel, et utiliser son effort pour l’emporter.

(1) Debout la République de M. Nicolas Dupont-Aignan
(2) Résitance Républicaine prolongation de Riposte Laïque
(3) République Solidaire de M. Dominique de Villepin

Tribune publiée sur Agoravox le 2 juillet 2010

dimanche 17 janvier 2010

Des élites fraternelles ?


« La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage"… », Eric Besson, ministre de la République française (1).

On pourrait, il y a de quoi, d’autre l’on fait et le feront, s’arrêter sur cette déclaration de M. Besson. Ces mots rapportés par un journaliste du Parisien, pris comme cela, resteront un crachat, tombé de la bouche de son auteur. Le problème n’est pas tant que M. Besson, à l’image de son président, change d’opinions, mais qu’il en émet beaucoup, et des bien contradictoires, et des bien opposées. Entretenant la confusion et la duplicité, là où il faudrait assumer la diversité et la complexité. Un exemple ? « Je reste persuadé que si la société française doit intégrer, la Nation française doit assimiler » (2)… C’est le même bonhomme qui parle.

En fait, les discours se succèdent en fonction de la cible. Ici M. Besson était dans le contexte d’une visite « surprise » en banlieue. Alors que là il s’adressait à des lecteurs intéressés par l’identité de leur pays. Lâcheté ? Cynisme ? Clientélisme ? Tout ça à la fois, sans doute, comme d’habitude. M. Besson n’est-il pas un athlète de ces contre-pieds radicaux ? Pour son patron, chef du casting gouvernemental, il avait sans doute, plus que d’autres, le profil pour le job.

Donc j’essaierais de ne pas trop apporter d’importance à cette déclaration, car c’est en fait l’absence de réaction de la part des élites, classes politiques et médiatiques, qui m’a stupéfié et mis mal à l’aise (3). De droite à gauche, les maîtres de l’opinion (toujours sans s) se taisent, consentent, quand au même moment ils font du « buzz » sur telle ou telle petites phrases sans aucune importance. C’est dans l’ordre des choses. Mais qu’aucune réaction forte et libre, ne soit arrivée jusqu’au « micro » pour s’insurger, en dit long sur le verrouillage du débat.

Comment en sommes nous arrivés là ? Comment en sommes nous arrivés à accepter sans broncher d’être gouvernés par une « élite » aussi méprisante à notre égard, aussi attachée à la démolition de notre pays, aussi arrogante dans l’aveu de son dessein, aussi tordue et retordue dans l’accomplissement de sa besogne ? Cela restera une énigme historique. M. Besson représente un gouvernement de droite… et la gauche dans cette histoire ne nous sera d’aucun secours, elle qui veut pour son confort auditif et olfactif que le débat cesse. Entendre couiner la « bête immonde» (la France) ça la dérange. Et l’extrême droite, idiote utile, ne fera pas mieux, médiocre qu’elle est, intellectuellement et politiquement. Passons sur l’extrême gauche qui attend son heure, le grand soir, avec une patience et une foi de charbonnier.

Au travers de ce petit épisode de la vie politique de notre pays et du « débat » sur l’identité nationale, c’est bien la question des élites qui se pose dans sa cruelle « crucialité ».

Tous les peuples, toutes les sociétés, toutes les civilisations ont besoins d’élites. L’école, la sélection des meilleurs, la démocratie, le suffrage universel, sont là pour y pourvoir. Mais que leur a-t-on fourré dans le cerveau à nos grosses têtes ? Du Machiavel survitaminé en intraveineuse, en implant cérébral ? Les grandes écoles seraient tenues par des professeurs qui nous abusent, des adeptes de Descoings, occupés à nous programmer dans leur petit labo une élite « nouvelle », faute d’avoir su créer un homme « nouveau » ?
Lorsque l’élite s’auto reproduit, se coopte, « s’endogamise », lorsqu’elle n’éprouve que mépris et crainte pour ceux d’en bas… la situation est pliée. A terme. Comme en 1789, l’effondrement n’est pas loin. Et ce n’est pas l’instillation de « couleurs » qui changera quoique ce soit, à cette fracture politique. La communautarisation qui en découle, est simplement un facteur supplémentaire de manipulation. Mais élites des médias, élites politiques, élites financières auront beau se tenir par la barbichette, un jour viendra où le peuple se manifestera. Radicalement. Je rêve d’une dissidence massive, pour rappeler fermement à ces gens là, qu’ils doivent être au service du peuple, de l’Etat, de la Nation, et non s’en servir. Qu’ils doivent être fraternels envers leurs concitoyens… Le libéralisme à l’échelle mondiale est une compétition économique, voire une guerre, nos généraux sont des traîtres et des agents doubles.
Il n’y a plus aucune Fra-ter-ni-té, ni plus aucun respect. Y en a-t-il jamais eu ? Un mépris réciproque s’est installé. Les « gens d’en haut » méprisent les « gens d’en bas » qui le leurs rendent bien. Peut-être pas assez.

Si le mépris est réciproque, il n’a pas le même carburant, et la responsabilité de cette situation n’est pas partagée.
Le mépris du peuple se nourrit à l’incompréhension, c’est une posture de protection, comme le rire qui met à distance. Mais l’incompréhension est aussi génératrice de frustration, elle pourrait bien se transformer en colère. Colère d’avoir été envoyé dans le mur pour d’obscurs motifs par une élite sûre d’elle-même.
Le mépris des élites c’est celui de s’arroger l’arrogant privilège de penser à la place du peuple, sans jamais l’écouter, allant même jusqu’à donner des interprétations délibérément fausses à ses « écarts électoraux », ou à sélectionner des sondages qui arrangent pour justifier des choix immoraux. Ce mépris se nourrit d’un complexe de supériorité semblable à un racisme. Il se nourrit d’un « étonnement » de voir le peuple imbécile se soumettre docilement. De Besancenot à Le Pen, en passant par l’ensemble du spectre, il y a cette tentation de penser avoir raison contre tous, contre la masse « inculte », qui pourtant assume seule, de plus en plus seule. Lorsque Attali nous vend le nomadisme, ou la mobilité économique, il ignore volontairement le besoin d’enracinement du peuple, il ignore son besoin de solidarité identitaire pour se valoriser dans le collectif. Tout le monde à besoin de s’estimer, certains ont plus besoin du collectif pour cela, d’autres se suffisent à eux même. Lorsque les élites érigent en modèle des règles qui sont inadaptées (ou antinomiques) au peuple, qui ne sont que l’expression de ses désirs spécifiques, alors ces élites sont dans le déni de réalité. L’élite par nature vit sa réussite, elle en tire sa force illusoire et ses certitudes obtuses. Cette confiance lui permet d’envisager, sans trop de difficulté, ni d’appréhension, les bouleversements de la France et du monde, certaine d’avoir les clefs pour « s’en sortir ». Là où cela devient malhonnête, c’est quand elle feint de s’étonner, voire qu’elle s’exaspère, que le peuple ne soit pas si sûr de lui…

L’échec de l’école, du collège unique, ces dernières dizaines d’années, n’a fait qu’accroître le fossé entre peuple et élite. Et quand l’élite ignore volontairement le peuple, et fait de cette attitude un mode de gouvernance, elle mène le peuple vers la seule issue possible à terme, la révolte.

Il y a beaucoup de détails et de nuances à apporter à ce constat. Il y a des distinctions à faire entre élites visibles et invisibles. Entre les rois du spectacle et les rois des coulisses (les vrais). Mais lorsque le système contraint M. Besson à nier l’existence de la nation et de son peuple, il pousse le bouchon du mépris un peu loin. Son seul but est de continuer à bien diviser pour « bien » gouverner. Le communautarisme dans lequel beaucoup de mouvements s’engouffrent est un piège, un miroir aux alouettes, qui permettra aux élites de continuer à distribuer des miettes, comme M. Descoings des places réservées aux méritants des Zep, faisant ainsi l’économie d’une vraie prise en compte du réel, d’un peuple, d’une nation, d’un destin, faisant l’économie du courage politique et de l’honnêteté intellectuelle.
Faire de la politique ou réfléchir honnêtement, il faut choisir. Ce sont bien devenues deux choses différentes. Nous sommes gouvernés par des voyous d’opinions. Reste au peuple à réagir, à exiger un système qui garantirait mieux l’émergence d’une élite au service du peuple et de la nation.

Le système de votation suisse est un modèle intéressant, mais chacun aura observé le mépris, encore et toujours, que lui porte nos élites censées nous représenter. Il faudrait faire preuve de détermination pour le conquérir ce système de votation. Les Français y sont-ils prêts ? Et est-il adapté à la France, ou faut-il envisager autre chose ? Cette réflexion amène à s’interroger sur la bonne échelle politique, sur la bonne organisation, géographiquement, démographiquement parlant. Elle aboutit dans tous les cas au refus de toute gouvernance mondiale.

(1) Interview de M. Besson dans Le Parisien du 5 janvier 2010
(2) In « Pour la Nation » Eric Besson chez Grasset.
(3) Si l’on excepte un billet par ci par là, trop confidentiel, comme celui d’Ivan Rioufol sur son blog, ou une tribune de Christine Tasin sur le site Riposte laïque le 8 janvier.
http://blog.lefigaro.fr/rioufol/2010/01/besson-rechute-dans-le-politiq.html
http://www.ripostelaique.com/Eric-Besson-insulte-la-France-et.html


Tribune publiée sur Agoravox le 18 janvier 2010

Et reprise sur :
yahoo.com : fr.news.yahoo.com/opinions.html
newspeg.com : http://fr.newspeg.com/Des-%C3%A9lites-fraternelles--56025646.html
Le blog de Jean-Marie Lebreau : http://jean-marielebraud.hautetfort.com/archive/2010/01/18/index.html